National | Par La rédaction

Parlons foncier : De nouveaux modèles à inventer

Parlons foncier, le webinaire de la SAFER Occitanie a invité le sociologue Bertrand Hervieu et son président, Dominique Granier à échanger sur l’évolution du monde agricole : mutation ou révolution ?

Dominique Granier, président de la SAFER Occitanie et Bertrand Hervieu, sociologue.

Bertrand Hervieu, co-auteur avec François Purseigle du livre «Une agriculture sans agriculteurs» évoque la révolution indiscible de l’agriculture : «Le modèle d’agriculture familiale est fragilisé. Il ne concerne que 15% des exploitations aujourd’hui». La raison : l’effondrement démographique de la population agricole qui ne pèse plus que 1,5% de la population active. «Une baisse de 75% en 40 ans : aucune catégorie socio-professionnelle n’a connu une telle chute !», constate le sociologue. «Mais qu’on se rassure, il ne s’agit pas de la fin de l’agriculture mais d’un remaniement profond de cette profession». En effet d’autres formes d’exploitations émergent : Bertrand Hervieu évoque un recours plus important au salariat agricole, à la prestation de services sollicitée par les agriculteurs… ainsi que les nouvelles formes sociétaires. «Les très grandes exploitations montent en puissance, avec des formes juridiques plus complexes. Et à côté de celà, des micro-fermes tenues par des pluri-actifs qui lancent sur quelques années, des start-ups… Une diversité d’agriculture qui tend à creuser les écarts entre les modes de productions, les revenus…», observe le sociologue. «Dans tous les cas, ces modèles sociétaires plus complexes et aux capitaux plus importants sont difficilement transmissibles, ce qui pose la question du renouvellement des générations en agriculture», selon lui. «Une agriculture sans agriculteurs, la réflexion est désastreuse mais elle est vraie», complète Dominique Granier. Le président de la SAFER Occitanie constate lui aussi, que «les firmes remplacent les fermes».  

Fermes ou firmes ?

Pour Bertrand Hervieu, il faut penser le renouvellement des agriculteurs autrement que par le slogan «une installation pour un départ» : «La moitié des chefs d’exploitation ont plus de 50 ans, un quart ont plus de 60 ans dont les deux tiers sont sans succession. Autrement dit, il va falloir aller chercher les nouvelles générations et s’adapter car aujourd’hui les jeunes font souvent des détours avant de s’installer et quand ils s’installent, ils ont leur propre projet».

Reste la question de l’accès au foncier qui peut constituer un frein aux installations. Pour Dominique Granier, la SAFER a tout son rôle de modérateur et de facilitateur à jouer : «en France, nous avons le foncier le moins cher d’Europe ce qui crée des convoitises mais pour autant, il reste trop cher par rapport à ce qu’il rapporte. Heureusement les SAFER ont joué leur rôle de modérateur sur le prix du foncier tout en restant dans les prix du marché». Et Bertrand Hervieu de compléter : «Le fait que le capital foncier puisse être transformé en parts de société a complètement changé la donne. Désormais la valeur patrimoniale n’est plus la même : on calcule le revenu que la part pourrait rapporter et non plus ce qu’il représente en terme de patrimoine. On cherche le retour sur investissement». Ce nouveau rapport au foncier pourrait de fait jouer contre la gestion durable des sols : «Il ne faudrait pas épuiser la ressource foncière pour en tirer profit plus rapidement. On peut aussi considérer que les formes plus complexes de société investissent sur le long terme pour assurer une gestion durable de la ressource foncière», avance Bertrand Hervieu qui appelle à «comprendre pour mieux maîtriser».

Et pourquoi pas réfléchir à de nouveaux modèles de portage du foncier pour alléger le coût d’installation et faciliter l’accès au foncier. «Le monde agricole a une culture de coopération, de mutualisme… Il est en capacité d’inventer des outils sur la base de fonds non spéculatifs en lien avec les collectivités», a avancé Bertrand Hervieu. Et Dominiquer Granier de citer l’exemple de la Foncière régionale Occitanie lancée grâce à divers partenaires et le projet de Foncière nationale. «A l’image de ce qui existe pour les fonds de commerce, nous pourrions initier ces mêmes principes pour l’agriculture à condition qu’ils soient bien encadrés».
Pour lutter contre l’accaparement des terres et préserver le foncier agricole, la loi Sempastous a permis de réguler le marché des parts de société. «Désormais il n’est plus possible de faire partir du foncier agricole sans savoir où il va. C’est une première victoire et une avancée considérable dans la transparence», a expliqué Dominique Granier. Il milite également pour la refonte du statut du fermage dont le principe n’est plus adapté à l’agriculture d’aujourd’hui. «Les SAFER vont réfléchir aux nouveaux modèles de demain qui faciliteront l’accès au foncier aux porteurs de projets agricoles. Notre rôle est aussi de sensibiliser les élus politiques. L’agriculture ne se sauvera pas qu’avec les agriculteurs mais en prenant aussi en considération les nouvelles aspirations de la société. A nous de créer de nouveaux modèles économiques durables et viables», ont conclu les deux intervenants.

Eva DZ      

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