Aveyron | Par Jérémy Duprat

Rapport de la Cour des comptes : rencontre avec les parlementaires pour défendre l’élevage

FDSEA et JA ont rencontré les parlementaires vendredi 26 mai. Une rencontre pour défendre l’élevage français, attaqué de toute part. Retour sur une semaine mouvementée.

Des cols roulés jusqu’aux vaches, il n’y a qu’un pas

Après les conseils vestimentaires du ministre en col roulé pour passer l’hiver sans grelotter, voilà venu le temps des salves de canons sur l’élevage français. Le 17 mai, Bruno Le Maire s’est illustré par un tweet félicitant une entreprise spécialisée dans la production de produits végétaux imitant la viande : «100g de protéines végétales génèrent de 60 à 90 % de gaz à effet de serre en moins que 100g de protéines animales». Un véritable modèle à suivre pour un monde plus vert, selon un ex-ministre de l’agriculture. Une affirmation qui demanderait une page entière pour relever l’entièreté de son absurdité. «Il serait temps pour lui de prendre la retraite», ironise Jacques Molières, président de la Chambre d’agriculture.

Mais ce qui a mis le feu aux poudres lundi 22 mai, c’est un rapport de la Cour des comptes. L’institution s’est éloignée de son rôle financier pour prôner la décapitalisation du cheptel bovin. Car le pet des vaches, ça pollue ! Ce conseil avisé, la Cour le prodigue tout en s’érigeant en juge des consciences, puisque le rapport exhorte les Français à moins manger de viande rouge pour sauver la planète. Rien que ça. Sauver les femmes et les hommes du monde agricole serait déjà un objectif bien plus modeste et atteignable.

Le 24 mai, pour couronner ce florilège d’admonitions, l’UE propose à l’Australie un quota de 24 000 tonnes de viande bovine à droits nuls. «Et 20 000 t de viande ovine. Concernant la viande bovine, le quota de 24 000 t en négociation s’ajouterait à d’autres volumes également en discussion, totalisant plusieurs dizaines de milliers de tonnes : 50 000 t pour le Canada (accord Ceta en application transitoire), 20 000 t en provenance du Mexique, 10 000 t de Nouvelle-Zélande (accord signé), ou encore 2 000 t en provenance du Chili et 99 000 t du Mercosur», comme le rappelle justement Agrafil.

Dominique Fayel, président du groupe bovin viande européen, résume parfaitement, dans un édito de la VP datée du 25 mai, la dangerosité de ces attaques sur l’élevage. Sans oublier l’incohérence de ces mesures à tout niveau, notamment l’importation de viande depuis l’autre bout de la planète pour compenser la consommation intérieure qui ne suit pas la décapitalisation du cheptel français. Un véritable bienfait pour la planète à n’en pas douter !

Incohérence et schizophrénie

Pour toutes ces raisons de nombreux départements français, ainsi que les interprofessions nationales, sont montés au créneau. FDSEA et JA ont rencontré les parlementaires aveyronnais vendredi 26 mai. Avec une seule idée en tête : bien faire comprendre l’importance de l’élevage ancré dans un tout cohérent, paysans-territoires-paysages comme le rappelle Dominique Fayel, pour l’avenir du pays.

«Nous sommes bien évidemment mécontents. Et puis, il y a de l’incompréhension avec ce rapport et tout ce qui se trame autour. Un mois avant, on nous explique que l’Aveyron et le Cantal sont les départements agricoles les plus vertueux. Alors même que ceux-ci sont majoritairement des territoires d’élevage bovin. Donc la Cour des comptes joue sur deux tableaux en fonction de la pièce qui est mise dans la machine. On nous parle de souveraineté alimentaire depuis plusieurs mois, alors que chacun se donne les moyens d’y contribuer», défend Laurent Saint-Affre, président de la FDSEA. Le président de la Chambre d’agriculture Jacques Molières tient le même discours : «mais de quoi s’occupe la Cour des comptes ?». Un sujet plus dans ses cordes serait peut-être la dette publique de 3 000 milliards.

Julien Tranier et Michaël Garrigues, les co-présidents JA, abondent aux propos de la FDSEA. «Le renouvellement des générations est une réalité. Il est impératif de remplacer les départs à la retraite : les structures agricoles qui grossissent indéfiniment pour pallier le manque de bras, cela n’existe pas. Ces types de messages et leur retentissement médiatique sont atroces pour les éleveurs. On dit aux jeunes, installez-vous, mais de toute façon votre métier, il n’a pas d’avenir ! Cette accumulation des attaques contre nous crée un ras le bol. En ce moment, nous sommes sur les tracteurs. Et comme beaucoup, j’écoute la radio. J’entends toutes les 30 minutes qu’on nous casse du sucre sur le dos. C’est insupportable. Et puis, parlons des alternatives : l’importation et la fausse viande végétale ou synthétique. Quels sont leurs impacts environnementaux ? Est-ce qu’une vache à l’herbe pollue davantage qu’un produit végétal ? Et si celui-ci est importé depuis des pays qui utilisent des défoliants comme c’est souvent le cas aujourd’hui ? Quid de l’excellence de la gastronomie française ou de l’impact énergétique de produire cette «viande» ? Tout cela est incohérent. Quelle vitalité pour nos territoires si demain il n’y a plus d’élevage ?».

Des élus de tout cœur avec les éleveurs

Les élus aveyronnais, le député Stéphane Mazars et le sénateur Jean-Claude Anglars en tête, ont apporté tout leur soutien aux éleveurs face à ce rapport de la Cour des comptes. «Mais de quoi se mêlent-ils ? Cependant, il n’est pas étonnant que ce rapport tombe juste après la rencontre entre Joe Biden et Ursula.Von Der Leyen au sujet de la transition énergétique [Les discussion ont été menées pour s’assurer qu’il n’y ait pas de concurrence délétère entre les deux entités, alors que les États-Unis s’engagent dans un plan massif en faveur du «Made in America», ndlr]. Et en parallèle, l’UE s’engage sur des accords funestes pour notre élevage. La France perd sa souveraineté alimentaire. Nous, les élus aveyronnais, nous défendons l’agriculture familiale sur tout le territoire. Sans les éleveurs, ce sont nos départements qui meurent. Ils produisent pour nourrir les Français, leur bilan carbone est positif grâce aux prairies, celles-ci sont entretenues ce qui réduit les risques d’incendie par exemple et finalement c’est la vie de toutes nos communes qui est inimaginable sans paysans. Qui, je le rappelle, sont 7000 dans la filière bovine sur le département, que ce soit en viande ou en lait. A nous d’agir à notre niveau pour que ce rapport reste un rapport et n’ait pas d’influence sur la LOA. Au Sénat, nous avons écrit une proposition de loi pour un choc de compétitivité sur la ferme France. Toujours dans cette idée qu’il n’y a pas de pays sans paysans. Et qu’ils ont plus besoin de voisins que d’hectares», assène Jean-Claude Anglars.

Stéphane Mazars rejoint complètement le sénateur et les éleveurs de la FDSEA-JA. «Nous nous sommes battus sur Egalim. Il est inadmissible que ce travail, pendant des mois et des années, soit remis en cause de la sorte par ce rapport. Nous planchons sur une grande loi pour faciliter le renouvellement des générations. Là aussi, au parlement, qu’est ce que je ne vais pas entendre comme absurdité avec la sortie de ce rapport, qui offrira des munitions aux anti-élevage… Quand nous savons en plus que la consommation de viande ne baisse pas, et même augmente au niveau mondial, nous allons augmenter une importation produite dans des conditions bien plus mauvaises qu’en France. Quand vous lâchez ce rapport avec l’objectif que les pouvoirs publics se l’approprient, il est logique que le monde agricole en soit écœuré», peste le député.

Souvent une conclusion amène plus de questions que de réponses. «Quand je vois tous ces événements et l’enchaînement de l’un à l’autre en si peu de temps, je me demande ce que le gouvernement prépare dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines», s’interroge Laurent Saint-Affre. Face à ce timing particulièrement opportun, des tweets au rapport et jusqu’aux accords de libre échange de l’UE, se cache peut-être une volonté assumée de casser le modèle d’élevage français. De la même manière que l’industrie française fut sacrifiée sur l’autel de l’ultra libéralisme et au service de l’utopie d’une France des services et du numérique. Malheureusement, ces métiers du numérique, aux côtés des fameuses «licornes» et de la «start-up nation», ne remplissent pas les assiettes.

Enchaînement fortuit ou volonté de sacrifier l’élevage ? Le temps le dira.

Jérémy Duprat

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