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Grand RDV de la souveraineté alimentaire : les agriculteurs veulent retrouver leur «agri-fierté»
20 mai 2021
Grand RDV de la souveraineté alimentaire : les agriculteurs veulent retrouver leur «agri-fierté»
Le Grand Rendez-vous autour de la souveraineté alimentaire a tenu toutes ses promesses en terme de participation. Mardi 18 mai, les connexions étaient nombreuses à cet événement proposé en visioconférence à l’occasion de la Semaine de l’agriculture, par le CAF (Conseil de l’agriculture française) présidé par Christiane Lambert.
En présence du ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Julien Denormandie, de nombreuses personnalités, politiques, responsables d’organisations professionnelles agricoles, chercheur ont planché sur la souveraineté alimentaire : le monde agricole français est-il capable de relever le défi ? La réponse est bien sûr positive mais la réussite passe indéniablement par la stratégie collective et le soutien des pouvoirs publics à l’échelle nationale et européenne.
Le monde agricole a tenu bon face à la crise sanitaire en continuant à nourrir les Français, il sait rebondir et s’adapter face aux nouvelles attentes mais il fait face à un contexte de plus en plus compliqué : guerre des prix, aléas climatiques récurrents, lourdeurs administratives et contraintes règlementaires, agribashing... «Nous sommes prêts à relever ce défi de la souveraineté alimentaire mais nous ne pourrons le faire seuls», a introduit Pascal Cormery, président de la CNMCCA (Confédération Nationale de la Mutualité, de la Coopération et du Crédit Agricole).
Dans l’attente d’une ligne claire
«Nous attendons une ligne claire en termes de renouvellement des générations, de rémunération des agriculteurs, répartition de la valeur dans la chaîne alimentaire, protection sociale de haut niveau, adaptation au changement climatique...», a-t-il complété. «La France a de nombreux atouts dont son agriculture», a enchaîné Jean-Luc Poulain, président du CENECA (Centre national des expositions et concours agricoles). «Une agriculture de projets, d’initiatives, de terrain, de savoir-faire... chacun à son niveau, peut agir, la solution sera collective».
Les débats qui ont suivi ont convergé sur la capacité de la France à assurer sa souveraineté alimentaire, y compris le discours du ministre de l’agriculture puis l’intervention du Président de la République, dans ses réponses aux questions des agriculteurs. Il ne manque que les actes... !
Les 4 convictions du ministre de l’agriculture
«Il n’y aura pas d’agriculture sans agriculteurs, c’est à eux que nous devons notre souveraineté alimentaire. La crise sanitaire l’a prouvé puisque les Français n’ont pas manqué de denrées. Il est de notre devoir de ne pas laisser la maîtrise de la souveraineté alimentaire à d’autres : nous défendons notre indépendance, notre protection, notre identité. Notre défi est clair : savoir se nourrir soi-même !». D’emblée le ministre de l’agriculture a donné le ton de ce Grand Rendez-vous.
Il a partagé ses quatre convictions :
- Regagner en souveraineté alimentaire c’est-à-dire sortir des dépendances aux importations (protéines, fruits et légumes...), des dépendances à des systèmes de production qui ne respectent pas nos standards (en appliquant les clauses-miroirs), des dépendances au changement climatique (en investissant dans la protection, en refondant le système d’assurance récolte, en déployant le Varenne de l’eau...), des dépendances au fonctionnement des marchés économiques qui ne valorisent pas la qualité (mettre fin à la guerre des prix en lançant en juin, un acte 2 à la loi Alimentation) ;
- Gagner en compétitivité : «je crois en une agriculture de production qualitative, basée sur des fermes à taille territoriale, qui joue la carte de la qualité nutritionnelle, de la préservation de l’environnement, de l’aménagement des paysages... C’est notre marque de fabrique» ;
- Se reposer sur la raison et sur la science pour guider l’action de la Ferme France (recherche variétale, gestion de l’eau...) ;
- Assurer le renouvellement des générations : «l’agriculture est un métier de passion mais cette passion ne doit pas occulter la juste rémunération. On ne peut pas toujours demander plus de qualité sur le dos des agriculteurs !»
«Les défis sont massifs mais tous ensemble nous avons le devoir de les relever !», a encouragé le ministre de l’agriculture.
Un grand rendez-vous très suivi en ligne
L’ensemble des participants à ce Grand Rendez-vous autour de la souveraineté alimentaire en conviennent : la crise sanitaire a réveillé les politiques ainsi que les Français sur leur envie de «ne pas laisser filer l’agriculture», comme l’a résumé Christiane Lambert, présidente du CAF (conseil de l’agriculture française qui réunit l’ensemble des organisations professionnelles agricoles en France). «Pendant cette crise, les Français ont réitéré leur confiance dans leur agriculture et dans les agriculteurs. Nous attendions ce réveil depuis longtemps !», estime la présidente de la FNSEA. La recherche d’une alimentation de proximité, de contacts avec les agriculteurs s’est exacerbée avec la crise sanitaire. «Beaucoup d’agriculteurs reprennent leur communication en main, reconstruisent un lien avec le consommateur», assure Christiane Lambert.
«Agriculteur, un métier essentiel»
Pour autant les attentes de la société n’ont pas fléchi en matière de qualité, de bien-être animal, d’environnement, de prix également... «Opposer environnement et agriculture est une erreur, beaucoup de politiques ont exagéré. Aujourd’hui nous devons parler positivement d’agriculture, expliquer la qualité de l’alimentation française, montrer la modernité de nos métiers... C’est ainsi que nous retisserons un lien avec la société», a encouragé Christiane Lambert.
Lors de la première table-rondeFrançois Bayrou, Haut-Commissaire au plan, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’économie, aux finances et à la relance, Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, Dominique Chargé, président de la coopération agricole ont salué la capacité du monde agricole à se mobiliser face à la crise pour remplir sa mission nourricière. Néanmoins, cette réussite n’a pas occulté les fragilités déjà existantes, la vulnérabilité, la dépendance. Les distorsions de concurrence, le déséquilibre de la balance commerciale agricole, l’investissement dans de nouvelles compétences, la préservation des sols... sont autant de questions à élucider pour atteindre la souveraineté alimentaire.
Plan Marshall de reconquête
Sébastien Abis, directeur du club Demeter et chercheur associé à l’IRIS, a pointé du doigt la nécessité d’une vision politique : «Il faut se redonner les moyens de l’ambition à long terme, définir une trajectoire incluant tous les maillons de la chaîne alimentaire dont le consommateur qui s’il semble être souverain, doit tout de même se souvenir que sans les agriculteurs, il n’y a rien dans les assiettes !».
«L’organisation de la profession agricole est un atout majeur pour la France mais elle doit être accompagnée», a indiqué François Bayrou qui en appelle à un Plan Marshall de reconquête de la production. «Investir, analyser, vouloir tous ensemble, avec l’Etat en fédérateur de toutes les entreprises», voilà pour lui, la clé de la souveraineté alimentaire. Le plan de relance tombe à point nommé, selon Dominique Chargé pour retrouver la compétitivité.
«Protéger, préserver, transmettre»
Lors de la deuxième table-ronde, les intervenants ont donné des pistes pour réussir le défi de la souveraineté alimentaire : elles consistent dans la maîtrise foncière, la création de valeur, l’attractivité du métier, pour Valérie Pécresse, présidente de la Région Ile de France. Plus de revenus, plus de protection et plus de transformation pour Pascal Canfin, député européen, président de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du parlement européen. Sébastien Windsor, président des Chambres d’agriculture, encourage les agriculteurs à créer de la valeur sur leur exploitation, en s’appuyant sur la formation, le conseil : «L’enjeu de la souveraineté alimentaire redonne du sens, de la fierté pour aller chercher de la valeur ajoutée mais nous devons y associer les politiques».
Samuel Vandaele, président de Jeunes Agriculteurs, a bien sûr évoqué le défi du renouvellement des générations : «protéger, préserver, transmettre, sans de nouveaux bras en agriculture, nous ne pourrons assurer la souveraineté alimentaire».
Eva DZ